Joseph Staline

staline

Homme d'État

Gori - Géorgie, 21 décembre 1879 || Moscou - URSS, 5 mars 1953

Son vrai nom Joseph Vissarionovich Djougachvili qu'il changea en 1912 en prenant le pseudo de Jospeh Staline qui veut dire "Homme d'acier".

Maître incontesté de l'Union soviétique, de 1929 à sa mort, Staline est l'un des personnages emblématiques du XXe siècle. Il symbolise à la fois la lutte du peuple soviétique contre le nazisme et apparaît en même temps comme le créateur d'un régime totalitaire qui n'avait rien à envier, en matière d'inhumanité, à celui mis en place par Hitler. Quon le considère comme l'héritier de la révolution d'Octobre ou, au contraire, comme son fossoyeur, Staline fut à la fois l'un des hommes les plus adulés et les plus méprisés de son époque.

L'ascension
Iossif Vissarionovitch Djougachvili est né le 21 décembre 1879 à Gori, un gros bourg de Géorgie; il est le fils unique d'un paysan qui exerçait en même temps le métier de cordonnier. Il restera profondément marqué par son enfance très rude, du fait, surtout, de la brutalité de son père, Vissarion, qu'il perd à l'âge de onze ans. Sa mère, Ekaterina, une ancienne serve, travaille durement pour lui assurer des études; elle le destine à la prêtrise, l'une des rares voies de promotion sociale dont puisse alors rêver une famille aussi pauvre en Géorgie.

Le militant caucasien
«Sosso», ainsi que le surnomment ses proches, fréquente une école paroissiale jusqu'à l'âge de quatorze ans, puis entre au séminaire de Tiflis en 1893, ce qui le coupe de son milieu d'origine. Ses études coïncident avec une période d'expansion de la propagande révolutionnaire dans l'Empire russe. Djougachvili apprend le russe, paraît influencé par le nationalisme géorgien, ce qui lui vaut son premier pseudonyme, «Koba», du nom d'un héros de roman nationaliste. Son choix du marxisme date au moins de 1898, année de la création du parti ouvrier social‑démocrate de Russie (POSDR). Koba, qui participe à un cercle de lecture socialiste, est retiré du séminaire l'année suivante par sa mère – selon ses biographes officiels, il fut exclu du fait de ses lectures scientifiques et sociales. Il devient alors un «révolutionnaire professionnel». Ses premières années de travail politique sont cependant obscurcies par l'extrême rareté des documents le concernant durant cette période.

Jusqu'en 1910, le champ de ses activités se limite à la Transcaucasie, qu'il ne quitte que pendant des périodes d'emprisonnement et d'exil, suivies d'évasions, ou pour assister à des réunions et à des congrès du POSDR. Il fait ses premières armes dans les milieux ouvriers de Tiflis – qu'il quitte brusquement en 1901, sans doute exclu par ses propres camarades social‑démocrates qui lui reprochent de calomnier le dirigeant local –, puis à Batoum, un port de la mer Noire par où transitait le pétrole de Bakou – là, il est arrêté et condamné à trois ans d'exil administratif en Sibérie –, et enfin à Bakou, dont il fait, avec Chaoumian (le «Lénine du Caucase»), le centre des activités bolcheviques dans la région, activités fortement stimulées par la révolution de 1905. Cependant, Koba se heurte à Chaoumian et cherche à l'évincer, au point que ses camarades le soupçonnent de l'avoir dénoncé à la police – dès cette époque, le caractère du futur Staline est marqué par sa brutalité et sa facilité à s'emporter. Arrêté en mars 1910, il est emprisonné puis condamné à cinq ans d'exil. Mais il s'évade au printemps de 1911 et se rend à Saint‑Pétersbourg (URSS) où il est de nouveau arrêté en septembre. Dans les controverses qui agitent le POSDR, Koba choisit la fraction bolchevique, sans doute en raison de son tempérament, de son fanatisme et de son sectarisme. Ce sont peut‑être ses violentes attaques contre les mencheviks qui lui valent d'être remarqué par Lénine, à moins que ce ne soit l'efficacité avec laquelle il remplissait ses tâches clandestines, et notamment les nombreuses «expropriations» qui servent alors à financer le parti, au grand scandale des mencheviks.

Le dirigeant du parti
En janvier–février 1912, la conférence du POSDR se tient à Prague (Tchécoslovaquie), mais Koba, qui cette fois n'a pu s'évader, n'y assiste pas. C'est cette conférence qui scelle la scission entre mencheviks et bolcheviques, et réorganise le comité central. Lénine estime imprudent d'y faire élire Koba, qui est absent et inconnu de la plupart des délégués, mais il use d'un droit de cooptation pourtant tombé en désuétude depuis les années 1905-1906 pour y introduire le Géorgien, qui se retrouve ainsi dirigeant sans jamais avoir été élu. Vers la mi‑mars, Koba s'évade et revient à Saint‑Pétersbourg (URSS), où il apporte son concours à la parution d'un journal bolchevique quotidien, la Pravda. Mais, alors qu'il se cachait chez le député Poletaïev, il est de nouveau arrêté en avril… et s'évade en septembre. Ses responsabilités le conduisent en 1913 à Vienne (Autriche), où il rédige son premier article signé du nom de Staline («l'homme d'acier»), le marxisme et la question nationale, dans lequel, tout en défendant le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, il présente une vision très centraliste du problème national dans l'Empire russe. Surtout, il donne une définition restrictive de la nation, qui, selon lui, ne peut exister sans territoire.

De retour à Saint‑Pétersbourg (URSS), Staline est chargé de maintenir les députés bolcheviques dans la ligne léniniste, mais en février, il est de nouveau arrêté sur dénonciation de Malinovski, député bolcheviques et, en même temps, agent de l'Okhrana, la police politique du tsar. Staline est exilé en Sibérie à Touroukhansk, d'où il ne s'évadera plus. C'est la révolution de février 1917 qui le ramène à Petrograd (avant 1914 = Saint-Pétersbourg), où il trouve le parti complètement désorganisé et coupé de ses dirigeants en exil. Avec Kamenev, il prend en main la Pravda et censure l'appel de Lénine à la prise du pouvoir; il préconise à l'inverse un rapprochement avec les mencheviks. Après le retour de Lénine en avril, il adopte la nouvelle ligne radicale de rupture avec le gouvernement provisoire, tout en gardant une attitude plus ou moins doctrinaire et toujours soucieuse de préserver l'unité du parti. En août, lors du VIe congrès du parti bolcheviques, Staline est confirmé comme membre du comité central; en octobre, à la veille de l'insurrection, il entre au Politburo – qui ne joue pas alors le rôle clé qu'il aura par la suite – ainsi qu'au comité militaire révolutionnaire chargé, sous les ordres de Trotski, de préparer la prise du pouvoir.

Staline, cependant, ne joue pas de rôle significatif dans les événements d'octobre 1917, se contentant de suivre Lénine sans enthousiasme. Il devient officiellement commissaire du peuple aux Nationalités dans le nouveau gouvernement. La première Constitution de la République socialiste fédérative soviétique de Russie, adoptée en juillet 1918, esquisse une structure fédérale de l'ancien Empire russe, tandis que la sécession de certaines de ses anciennes composantes n'est admise que sous la pression des circonstances extérieures. En 1922, lorsque l'Ukraine, la Transcaucasie, le Turkestan et la Sibérie auront été reconquis, Staline proposera de les intégrer dans le moule existant (mais, sur l'insistance de Lénine, le traité de l'Union et la nouvelle Constitution, qui entrera en vigueur en 1924, placeront formellement ces «républiques socialistes soviétiques» sur un pied d'égalité avec la république de Russie).

La guerre civile
De 1918 à 1921, durant les années de la guerre civile, Staline se consacre presque exclusivement au comité central et aux tâches militaires; en effet, les dirigeants sur lesquels Lénine et Trotski peuvent compter sont très peu nombreux, et Staline a fait la preuve de son caractère inflexible. Les affaires militaires le propulsent au tout premier plan parmi les dirigeants communistes : membre du conseil du Travail et de la Défense, il est envoyé sur différents fronts, notamment au sud, où il se distingue par un autoritarisme, une méfiance et une violence extrêmes, à tel point que l'arbitrage de Lénine dans les conflits entre Trotski – chef de l'Armée rouge – et Staline est souvent nécessaire.

À Tsaritsyne, Staline s'entend avec Vorochilov pour contrecarrer les ordres de Trotski; il accumule les erreurs militaires, et met en œuvre une politique de répression impitoyable contre les socialistes‑révolutionnaires et les anarchistes. Staline écrit à Lénine: «Quant aux hystériques, soyez persuadé que notre main ne tremblera pas; avec les ennemis nous agirons en ennemis.» En octobre 1918, Trotski obtient cependant de Lénine le rappel de Staline à Moscou. En 1920, c'est l'armée d'Egorov, par son indiscipline, qui sera responsable de la défaite de l'Armée rouge en Pologne, et Staline, qui en était le commissaire politique, en sera rendu largement responsable par Trotski. C'est cependant au cours de cette période que Staline se constitue un groupe de fidèles, Caucasiens et Russes, qui l'accompagneront dans son ascension au pouvoir.

Au début de 1918, Staline s'oppose à Trotski et Lénine sur la question de la révolution en Europe, et notamment en Allemagne – Staline la juge improbable –, mais il se retrouve d'accord avec Lénine contre Trotski pour accepter la «paix infâme» de Brest‑Litovsk. Cependant, c'est dabord Trotski qui l'emporte au sein du comité central le 17 février, et il faut la reprise de l'offensive allemande le lendemain et l'effondrement de l'armée soviétique pour que, le 22 février, le comité central adopte la position défendue par Lénine et Staline, et renoue les pourparlers de paix.

Dès cette époque, c'est le comité central qui concentre tous les pouvoirs. En mars 1919, le VIIIe congrès du parti confirme Staline au comité central; la mort de Sverdlov laissait un vide en ce qui concernait les tâches administratives, et Staline parvient peu à peu à récupérer toutes les responsabilités du disparu. De plus, cinq membres sont chargés par le congrès de prendre toutes les décisions urgentes: Lénine, Trotski, Kamenev, Boukharine et Staline. Ainsi, le Politburo est nommément constitué et Staline en reste membre; il entre également à l'Orgburo, le secrétariat du comité central. Administrateur efficace, Staline remplace Molotov au poste de secrétaire général du parti communiste en avril 1922. Cette promotion consacre son ascension d'homme de l'appareil, puisqu'il était en outre commissaire à l'Inspection ouvrière et paysanne (Rabkrin), qui supervisait l'ensemble de la vie économique du pays. Tous ces postes le plaçaient au cœur de la nouvelle machinerie bureaucratique, qu'il contrôle de mieux en mieux, grâce au jeu des nominations.

Le successeur de Lénine
Lorsque se déclare la maladie de Lénine, fin mai 1922, Staline est déjà prêt à prendre sa succession. Il possède des atouts décisifs, notamment un esprit pratique et une réelle compréhension des mécanismes du pouvoir, à l'heure où ses rivaux, Trotski en tête, croient encore à la primauté de l'idée. Ni le tardif sursaut de Lénine, à partir de décembre 1922, ni les oppositions successives de l'élite bolchevique ne peuvent contrer l'ascension de Staline. Lénine, en effet, s'inquiète de la violence avec laquelle Staline, Dzerjinski et Ordjonikidze ont rétabli l'ordre en Géorgie, de la modification en cours du nom de Tsaritsyne en Stalingrad que Staline a suscitée, et surtout de son incompatibilité de caractère avec Trotski; il écrit, le 25 décembre 1922, dans une note connue sous le nom de "Testament de Lénine" : "Le camarade Staline, en devenant secrétaire général, a concentré dans ses mains un pouvoir immense et je ne suis pas convaincu qu'il puisse toujours en user avec suffisamment de prudence." Puis, quelques jours plus tard: "… je propose aux camarades de réfléchir au moyen de déplacer Staline de ce poste et de nommer à sa place un homme qui, sous tous les rapports, se distingue du camarade Staline par une supériorité, cest‑à‑dire qu'il soit plus patient, plus loyal, plus poli et plus attentionné envers les camarades…"

Jusqu'à la mort de Lénine, le 21 janvier 1924, les assauts de la "troïka" – Staline, Zinoviev et Kamenev – contre Trotski sont cependant relativement modérés. D'autant que le pays est alors en crise: grande famine de 1921, chute de moitié des superficies cultivées entre 1913 et 1922, chute de la production industrielle… Les attaques portent sur la politique économique mais aussi sur les conceptions plus générales du bolchevisme : Staline justifie sa politique de répression menée au Caucase, attaque Trotski qu'il accuse de mener une activité fractionnelle au sein du parti, d'avoir des vues économiques erronées, et critique ses Leçons d'Octobre parues en octobre 1924. Il parvient peu à peu à l'isoler, en envoyant ses partisans à l'étranger (Rakovski, Krestinski…) ou dans des régions reculées de l'URSS, ou en les démettant simplement de leurs fonctions; Trotski, condamné par une résolution du comité central de janvier 1925, n'intervient pas en faveur de Kamenev et de Zinoviev, attaqués par Staline lors du XIVe congrès du parti en octobre 1925, mais accepte de s'allier à eux l'année suivante, ce qui n'empêche pas Staline de l'emporter: Trotski et Zinoviev sont exclus du parti le 15 novembre 1927, et leurs partisans ainsi que ceux de Sapronov le sont lors du XVe congrès du Parti, le 18 décembre 1928. Tout en jouant à certains moments la modération, Staline met ses opposants dans la position d'"aventuristes", de destructeurs de la cohésion du parti, dont il se présente comme le seul garant. Son entreprise est facilitée par le fait que ses opposants eux-mêmes renoncent à utiliser toutes les armes à leur disposition; ainsi, Trotski et Kroupskaïa vont jusqu'à nier l'existence du "Testament" de Lénine au nom de l'unité du Parti. En même temps, dans ses articles, réunis plus tard sous les titres de Questions du léninisme et De l'opposition, Staline se fait le gardien d'une prétendue orthodoxie léniniste – en contradiction formelle, cependant, avec les conceptions de Lénine, sur des points aussi importants que la construction du socialisme dans un seul pays, où il s'oppose nettement à l'internationalisme prôné par Lénine.

Le pouvoir
C'est au cours des années 1930 que ce qu'on appellera bientôt «le stalinisme» voit le jour. Il s'agit de la conjugaison du pouvoir absolu de Staline, d'une série de bouleversements sociaux qui transforment le visage du pays et d'une modification profonde des mentalités et des modèles politiques de l'élite communiste, qui coupe définitivement le bolchevisme de ses racines sociales‑démocrates européennes.

Grand Tournant et Grande Terreur
Le "système" stalinien naît véritablement après le Grand Tournant, annoncé par Staline en novembre 1929 et achevé en 1932-1933, qui chasse du pouvoir les derniers compagnons de Lénine (Boukharine et l'"opposition de droite"); il s'agit dabord de la collectivisation ou plutôt de l'étatisation de l'agriculture, véritable révolution qui se solde par une catastrophe économique et sociale mais qui assure au pouvoir un certain contrôle des campagnes. Il s'agit, en même temps, de l'industrialisation du pays à marche forcée, accompagnée d'une disparition de toute la sphère privée, puis de l'embrigadement, voire de l'asservissement, des classes laborieuses. Un mode de gestion économique volontariste se met en place, renouant avec les méthodes de la guerre civile et se fondant sur une mobilisation permanente et une fuite en avant: les objectifs initiaux du premier plan quinquennal sont doublés, triplés, quintuplés selon les branches. La course à la production se traduit aussi par les mouvements de "compétition socialiste" : travailleurs de choc à partir de 1929, puis Stakhanovisme à partir de 1935.

Sur le plan politique, le monolithisme du parti communiste devient total après la chute de Boukharine. Avec la vague de terreur qui se déclenche après l'assassinat de Kirov le 1er décembre 1934 et qui se prolonge jusqu'en 1938 (poursuivant, ensuite, un cours endémique), la dictature stalinienne prend un tour paroxystique et fait planer une menace permanente, même sur les fidèles du secrétaire général. Cent dix‑sept exécutions capitales sont immédiatement ordonnées à la suite de cet attentat, et, en 1937, Staline «révélera» que le principal assassin de Kirov était en fait Iagoda, pourtant l'un de ses plus proches collaborateurs et l'instrument de sa politique terroriste en tant que dirigeant de la Guépéou. La purge frappe avant tout les responsables du parti, dont Staline soupçonne, apparemment non sans raisons, un certain mécontentement devant les résultats de sa politique, puis elle s'étend rapidement à des centaines de milliers de cadres dans les domaines administratif, militaire, économique, culturel. Les grands procès de Moscou de 1936-1938 – dont des prototypes plus modestes, appliqués à des intellectuels et à des mencheviks, furent déjà organisés au début des années 1930 – sont de sinistres mises en scène au cours desquelles les anciens dirigeants bolcheviques confessent les pires crimes, et notamment l'espionnage au profit de l'«impérialisme» étranger. Ces années de terreur couvrent le pays d'un vaste réseau pénitentiaire et consacrent la prééminence de la police politique sur le parti. Ces violences policières et les déportations dans les goulag firent plusieurs millions de victimes.

Ces convulsions du régime s'accompagnent du culte de Staline. Identifié aux réalisations géantes de l'industrialisation, il avait été glorifié dès son cinquantième anniversaire, en 1929. Au XIVe congrès du parti, dit "des vainqueurs", en février 1934, Staline était devenu, dans la description de Kirov, "le plus grand homme de tous les temps et de tous les pays". Cette déification atteint son apogée en 1936 – année de l'adoption de la nouvelle Constitution soviétique, dite "stalinienne" –, puis lors du soixantième et du soixante‑dixième anniversaire de Staline.

Le Komintern
Staline avait été l'un des huit délégués du Parti lors de la fondation de l'Internationale communiste (Komintern), du 2 au 6 mars 1919. Plutôt effacé jusqu'à la mort de Lénine, sans doute en partie du fait de son ignorance des questions extérieures, il finit par y jouer un rôle prépondérant. Il conseille, avec Radek et contre Trotski et Zinoviev, de modérer les Allemands lors des événements de 1923, ce qui contribua sans doute à l'échec de cette révolution, et ce qui l'entraîna à prôner désormais la "construction du socialisme dans un seul pays". Staline élimine Zinoviev de la direction du Komintern dès octobre 1926. Malgré ses erreurs successives – soutien en Chine de Jiang Jieshi qui massacre des milliers de communistes, imposition de la ligne d'opposition aux "social‑fascistes" (les socialistes) symbolisée en Allemagne par Thälmann jusqu'à la victoire des nazis, et en France par Thorez jusqu'en juin 1934, non‑assistance aux républicains lors de la première phase de la guerre civile espagnole, puis "épuration" des milieux communistes espagnols et notamment du POUM… –, Staline dicte au Komintern, jusqu'à sa dissolution en 1943, ses conceptions politiques et ses méthodes policières à des hommes d'appareil qui lui sont entièrement dévoués, ce qui contribue à la perte totale de crédibilité de cette organisation.

Le nouvel autocrate
La Seconde Guerre mondiale faillit dabord provoquer l'effondrement du régime stalinien, pour lui apporter finalement un second souffle et une puissance accrue.

En août 1939, Staline, qui recherchait l'entente avec l'Allemagne nazie, négocie personnellement avec les représentants de Hitler un pacte de non‑agression qui consacre le partage de l'Europe de l'Est. Bien que très attaché à cette entente, Staline prend des mesures qui pourraient traduire une certaine défiance à l'égard de son récent allié. En mai 1941, notamment, il devient chef du gouvernement. Mais l'attaque allemande, en juin, révèle l'impréparation des forces soviétiques. Staline prend le commandement du Conseil de la défense nationale, puis des forces armées; après une première période de désarroi, il assure la direction effective du pays et parvient à le mobiliser. Son image sort grandie de la défense de Moscou, en octobre 1941, lors de laquelle il prononce un discours qui en appelle ouvertement aux sentiments patriotiques de ses sujets. Les succès militaires soviétiques lui permettent de s'attribuer une stature de grand capitaine. En 1943 il se fait maréchal, en 1945 généralissime.

À Téhéran (Iran) en 1943 , Yalta (Ukraine) et Potsdam (Allemagne) en 1945, Staline obtient de la Grande‑Bretagne et des États‑Unis la confirmation de ses acquisitions de 1939-1940, ainsi que l'abandon de l'Europe orientale à l'hégémonie soviétique; il déclare alors la guerre au Japon (1945).

Après la victoire, Staline impose la domination soviétique sur la majeure partie de l'Europe de l'Est. Sans se désintéresser des partis communistes étrangers, il subordonne encore plus qu'auparavant toute visée internationaliste aux intérêts soviétiques. Il crée alors le Kominform (1947), imposant aux partis communistes (notamment après la rupture avec Tito en 1949) le soutien inconditionnel de la politique soviétique et l'adoption du dogmatisme diffusé par Jdanov. La dernière période le voit régner sans partage sur ce nouvel empire, dans un style ouvertement autocratique, et le congrès du parti n'est plus réuni avant 1952.

Sur le plan idéologique, le régime devient de plus en plus nationaliste russe et xénophobe, ce qui prend entre autres la forme d'une campagne contre le "cosmopolitisme" à partir de 1948. En janvier 1953, l'"affaire des blouses blanches", prétendu complot monté par des médecins juifs, doit donner le signal à la fois d'une vaste purge et d'une répression antisémite. Peut‑être l'affaire est-elle fabriquée de toutes pièces, ou, plus probablement, correspond-elle au complot dirigé par Beria, Khrouchtchev et Molotov qui cherchent à écarter Staline, y compris en l'assassinant. La mort de Staline, que certains croient suspecte et qui survient le 5 mars, interrompt en tout cas l'engrenage d'une nouvelle purge.

Le culte de la personnalité dont Staline avait fait l'objet fut condamné lors du XXe congrès du parti communiste d'Union soviétique. Dans la nuit du 24 au 25 février 1956, lors d'une séance tenue à huis clos, Khrouchtchev présenta un rapport secret, où il déclare: "Le but du présent rapport n'est pas de procéder à une critique approfondie de la vie de Staline et de ses activités. […] Ce qui nous intéresse, c'est de savoir comment le culte de la personne de Staline n'a cessé de croître, comment ce culte devint, à un moment précis, la source de toute une série de perversions graves et sans cesse plus sérieuses des principes du Parti, de la démocratie du Parti, de la légalité révolutionnaire." Le rapport s'appuie sur des documents de Lénine et de sa femme, Kroupskaïa, mettant en évidence la grossièreté de Staline, puis montre les méthodes de lutte que ce dernier employait contre les opposants à travers le NKVD, critique son rôle durant la Seconde Guerre mondiale, et enfin illustre sa paranoïa à travers le complot des blouses blanches. Le but de Khrouchtchev est de montrer que les succès obtenus par l'URSS sont dus pour l'essentiel au Parti, et non à son défunt dirigeant. Le rapport secret est donc plus une dénonciation de Staline seul que des méthodes qu'il mit en œuvre, et c'est pourquoi la déstalinisation amorcée lors du XXe congrès s'est révélée fort incomplète, comme devaient le montrer les événements de Berlin ou de Prague quelques années plus tard.

Source : © Encyclopédie Hachette Multimédia 2003